Conduite interdite
Chloé Wary

Lors de la dernière masse critique de Babelio réservée aux romans graphiques, je me suis intéressée de près aux dernières parutions, et j’ai découvert une maison dont les parutions m’ont énormément attirée. Il s’agit des éditions Steinkis – si vous ne les connaissez pas encore, je vous recommande chaudement de vous renseigner sur leur catalogue. Je me suis donc empressée de m’offrir ce roman graphique qui m’attirait énormément, surtout en raison de son sujet incroyablement féministe.

Le résumé

L’Arabie saoudite est le seul pays au monde où il est interdit aux femmes de conduire.
Aujourd’hui, les Saoudiennes font leurs études à l’étranger, travaillent, votent et peuvent être élues… mais pas conduire elles-mêmes leur voiture.
Après cinq années passées à Londres, Nour rentre en Arabie saoudite.
Ce retour lui cause un certain malaise, jusqu’à ce qu’elle croise un groupe de femmes bien décidées à revendiquer leur indépendance.
Le 10 novembre 1990, elles sont 47 à prendre le volant, et deviennent les pionnières d’un mouvement féministe qui revendique le droit de conduire !

Mon avis

En 2017, il existe encore certains pays dans lesquels les femmes n’ont pas le droit de conduire, parce qu’elles sont des femmes. Ces droits fondamentaux nous semblent universels, tellement ils sont ancrés dans notre quotidien et dans nos vies, mais l’on oublie que d’autres ont eu à se battre avant nous pour les obtenir, et que c’est encore le cas dans certains pays, qu’ils ne sont pas acquis partout dans le monde. C’est cette injustice révoltante qui est le point de départ de l’auteure, qui va nous conduire (ahah, on remarquera le jeu de mots) à une réflexion plus large sur le droit des femmes en Arabie Saoudite.

L’héroïne de ce roman graphique s’appelle Nour, elle est jeune, revient de Londres où elle a vécu quelques années avec ses parents, et souhaite terminer ses études de photographie. Seulement, son retour en Arabie Saoudite s’accompagne d’une régression en terme de libertés : son père décide qu’il est temps pour elle de se marier et de suivre les études qu’il aura choisi pour elle. Mais après avoir goûté à la liberté de l’Occident, Nour a bien du mal à s’acclimater à ce retour en arrière… Par chance, elle va tomber sur un homme bon et intelligent qu’elle aimera, mais qui lui fera cependant perdre de vue provisoirement ses objectifs.

J’ai beaucoup aimé la réflexion portée par ces quelques pages, notamment celle qui provient d’Aya, la tante de Nour : Aya a vécu aux Etats-Unis, et est revenue en Arabie Saoudite. Lorsque Nour lui demande si elle ne regrette pas ce retour, Aya lui répond négativement : n‘est-ce pas leur rôle, à elles, ces femmes qui ont vu l’Occident, d’ouvrir le chemin à leurs soeurs saoudiennes dans leur propre pays ?
Car oui, comment faire évoluer un pays si nous le fuyons pour ce qui nous dérange ? Ne faut-il pas plutôt essayer de faire évoluer les mentalités ? C’est le rôle que s’attribueront ces femmes, qui se réunissent en secret, et qui décideront symboliquement de prendre le volant pour protester et se battre pour leurs libertés.


J’ai été très touchée par le féminisme de ce roman. On y comprend l’importance de l’éducation, évidemment, qui se confronte à l’héritage de la tradition. Le machisme et le sexisme de cette société patriarcale y sont flagrants, et comme Nour il nous arrive de nous sentir démunies par tant d’injustice. Mais la force de ses refus, et surtout de ses choix, nous font espérer pour l’avenir des femmes au Moyen Orient.

En conclusion

J’ai tout simplement adoré ces planches qui nous présentent des femmes incroyables, prêtes à faire passer un message fort à leur semblable au péril de leur propre vie. On voit en elles leur soif de liberté, et l’injustice qui les touche nous rappelle toute la chance que nous avons de vivre en Occident et d’avoir eu des ancêtres qui se sont battues pour nos droits, avant nous. Un roman graphique indispensable pour s’ouvrir la condition féminine au Moyen Orient.

La Parisienne