Au revoir là-haut
Pierre Lemaitre

Depuis que ce roman a obtenu le Prix Goncourt en 2013, il figurait dans ma wish-list. Pour autant, avec une pile à lire débordante, je n’avais jamais pris le temps de me le procurer et d’ainsi le découvrir. Je remercie les éditions le Livre de Poche qui m’ont permis d’y remédier, et grâce à qui j’ai également découvert l’adaptation cinématographique de ce roman.

Le résumé

Rescapés du chaos de la Grande Guerre, Albert et Edouard comprennent rapidement que le pays ne veut plus d’eux. Malheur aux vainqueurs ! La France glorifie ses morts et oublie les survivants. Albert, employé modeste et timoré, a tout perdu. Edouard, artiste flamboyant mais brisé, est écrasé par son histoire familiale. Désarmés et abandonnés après le carnage, tous deux sont condamnés à l’exclusion. Refusant de céder à l’amertume ou au découragement, ils vont, ensemble, imaginer une arnaque d’une audace inouïe qui mettra le pays tout entier en effervescence. Bien au-delà de la vengeance et de la revanche de deux hommes détruits par une guerre vaine et barbare, Au revoir là-haut est l’histoire caustique et tragique d’un défi à la société, à l’État, à la famille, à la morale patriotique responsables de leur enfer.

Mon avis

Mon avis, dans cette chronique, risque d’être assez comparatif avec mon expérience de spectatrice, puisque comme vous le savez déjà, j’ai découvert le film avant de lire le livre dont il était tiré. En général, je préfère faire l’inverse, mais je ne suis pas très ferme sur le sujet. Regarder le film avant de lire le livre ne va pas me freiner dans ma lecture, au contraire, ça peut plutôt m’encourager à le lire plus vite puisque les images sont encore fraîches dans mon esprit et je peux comparer plus facilement.

La première chose qui m’a frappée dans ce roman, c’est la justesse et la précision de ses descriptions. L’arnaque en tant que telle arrive très rapidement dans le film, beaucoup plus tardivement dans le livre. La mise en place du contexte s’étend plus longuement, et l’on apprend des choses dans le roman qui ne sont pas mentionnées dans le film – je souligne un gros manque dans le personnage d’Edouard, qui est gay. Pourquoi ne pas l’avoir mentionné à l’écran ? C’est bien de là que naît toute la haine de son père ! J’ai été déçue de voir que cet aspect avait été gommé dans le film.

Je suis en revanche bluffée par les personnages. J’ai retrouvé la même palette d’émotions qui m’avait déjà emportée au cinéma, décuplée par 10. Mon coeur s’est beaucoup serré pour Albert, un personnage certes « limité », « moyen », mais que j’ai trouvé terriblement attachant. J’avais le coeur qui se serrait pour lui lors de toutes les injustices qu’il subit, en particulier lorsqu’il emporte sa redingote teintée en guise de remerciements de l’état pour ses loyaux services rendus lors de la guerre, ou encore lorsqu’il souhaite acheter des chaussures mais qu’il n’en a pas les moyens.
Ce roman de Pierre Lemaitre met beaucoup en valeur toute l’ingratitude de notre pays envers ceux qui ont combattu pour la victoire en 14-18. La façon dont les soldats sont traités, sans aucune aide pour leur réinsertion, m’a profondément touchée. Ce roman est porteur d’une véritable satire sociale quant à notre France de l’après 1ère guerre mondiale. C’est un livre qui permet de nous questionner : que deviennent les soldats après la guerre ? Qu’en est-il du devoir de mémoire ? Comment se reconstruit-on lorsque l’on est un ancien Poilu (a fortiori une gueule cassée) ?

D’ailleurs, sans ce manque de reconnaissance, l’arnaque d’Edouard ne verrait probablement pas le jour. Et que dire de Pradelle, un arriviste qui saisit bien tous les enjeux de la guerre et tout ce qu’elle peut lui apporter. Un personnage détestable, d’autant plus lorsque l’on sait que c’est le seul à avoir réellement existé.

Enfin, je dois souligner ma préférence à la fin du film plus qu’à celle du roman, que j’ai trouvée moins poétique et plus absurde. Il m’a manqué ces retrouvailles, ce pardon entre le père et le fils qui apaise le spectateur.

En conclusion

Ce livre est en définitive une excellente lecture, avec une palette de personnages vaste, tour à tour touchants puis exaspérants. J’ai lu beaucoup de romans qui traitent de la guerre, et c’est pourtant la première satire sociale que je découvre sur des sujets originaux : l’arnaque des monuments aux morts, le scandale des cimetières de guerre, la reconstruction des gueules cassées. Un roman accessible au Prix Goncourt mérité !

La Parisienne