Une fille facile
Louise O’Neil
Comment passer à côté d’un roman qui porte un titre pareil ? Vous commencez à connaître mes convictions féministes. Évidemment, je ne pouvais pas passer à côté de cette lecture, dont le titre coup de poing m’a tout de suite appelée. Je remercie les éditions Stéphane Marsan pour cette lecture.
Le résumé
« Quand tu prononces un mot comme celui-ci, tu ne peux plus faire marche arrière. Fais comme s’il ne s’était rien passé. C’est plus simple comme ça. Plus simple pour toi. »
Emma a dix-huit ans, c’est la plus jolie fille du lycée. En plus d’être belle, elle est pleine d’espoir en l’avenir. Cette nuit-là, il y a une fête, et tous les regards sont braqués sur elle.
Le lendemain matin, ses parents la retrouvent inanimée devant la maison. Elle ne se souvient de rien. Tous les autres sont au courant. Les photographies prises au cours de la soirée circulent sur les réseaux sociaux, dévoilant en détail ce qu’Emma a subi. Les réactions haineuses ne se font pas attendre ; les gens refusent parfois de voir ce qu’ils ont sous les yeux. La vie d’Emma est brisée ? Certains diront qu’elle l’a bien cherché.
Mon avis
Lorsque s’ouvre ce roman, Emma a tout de l’anti-héroïne que l’on déteste : c’est une fille populaire qui n’hésite pas à manipuler ses amies pour obtenir ce qu’elle veut. Elle n’a pas l’habitude qu’on lui résiste. Même si sa vie familiale est loin d’être facile, entre une mère hyper culpabilisante et un père qui prend sans cesse le parti de son épouse, Emma trouve sa revanche dans la vie au lycée qu’elle domine d’une main de maître. Jusqu’à cette fameuse soirée où tout va basculer.
Le jour où Emma se réveille et découvre l’ampleur du drame, elle s’aperçoit également que tous les éléments sont contre elle : elle a volontairement pris de la drogue, elle ne se souvient plus de rien, elle va elle-même jusqu’à dire qu’elle était « consciente » et que c’était « pour rire », et elle retourne volontairement à une fête chez l’un de ses agresseurs pour s’auto-persuader que rien de tout ça n’est réellement arrivé… Tout cela faire parler d’elle : une « fille facile » qui « l’a bien cherché » et « n’a eu que ce qu’elle méritait ».
Oui mais voilà, quand son frère lui fait entendre raison et la pousse à porter plainte, tous ces éléments pèsent lourd dans la balance et c’est le début d’une longue descente aux enfers.
Ce roman traite de nombreux sujets auxquels sont malheureusement confrontées beaucoup de jeunes filles actuellement : le slut-shaming, le harcèlement sur les réseaux sociaux, le viol (collectif)… Ce ne sont plus aux coupables de prouver leur innocence, mais c’est aux victimes de prouver qu’elles ont réellement été agressées.
Le renversement de la balance est absolument flagrant dans ce roman, et mon coeur s’est soulevé devant tant d’injustice. Plus l’histoire avance, plus Emma perd son identité. Bien évidemment, Emma n’est pas un personnage que l’on apprécie pas au début de l’histoire. Il n’empêche que ce qu’elle a vécu est absolument terrible.
Et cette situation l’est d’autant plus lorsque les coupables sont à ce point glorifiés. Sans aller jusqu’à évoquer la notion de consentement qui fait basculer un rapport vers ce « mot interdit » – Emma s’auto-persuade qu’elle ne se souvient de rien et le lecteur est laissé dans ce flou jusqu’à la fin -, il y a toute cette problématique des photos incroyablement intimes dévoilées sur les réseaux sociaux. Et rien que ça, je ne sais pas comment on peut y survivre sans de profondes séquelles.
Le dénouement m’a incroyablement frustrée. J’avais tellement envie de secouer Emma, de lui dire de ne pas se laisser faire, de poursuivre son combat. Je me suis sentie aussi impuissante que son frère. L’auteure justifie cette fin par un besoin de réalisme, et c’est une vision tellement pessimiste que j’aurais aimé faire d’Emma un exemple. Que justice lui soit rendue. Cet aspect du roman m’a longuement rappelée la deuxième saison de 13 reasons why.
En conclusion
Ce roman m’a chamboulée. La culpabilisation de l’héroïne par presque tous les membres de son entourage m’a profondément écoeurée. C’est une lecture dont on ne sort pas indemne, qui nous fait réfléchir, qui laisse des marques. C’est un roman que je vous conseille très fortement, il y a d’énormes leçons à en tirer.
La Parisienne
9 août 2018 at 10 h 22 min
C’est important que ce genre de sujet soit abordé au sein de la littérature ado, surtout ses derniers temps…
9 août 2018 at 10 h 23 min
Entièrement d’accord avec toi ! J’espère que ce roman saura trouver son public.
10 août 2018 at 18 h 01 min
Tout à fait d’accord !
Ondine
9 août 2018 at 10 h 27 min
Je l’ai acheté en VO celui-ci, mais je n’ai pas encore pris le temps de le lire… Apparemment les autres romans de l’auteure traitent de féminisme de la même manière, mais seul celui-ci a été traduit en français.
9 août 2018 at 11 h 09 min
Oui en effet, elle en parle dans sa note finale. Je vais me pencher sur le sujet, ça m’intéresse.
9 août 2018 at 13 h 11 min
Le titre en VO est encore plus marquant ! Fille facile dénote une certaine passivité. Le titre anglais, Asking for it (en gros, c’est toi qui as voulu), est encore plus frappant, puisqu’il sous-entend qu’elle a tout fait pour… ce livre a l’air bouleversant, et plus je lis les avis, plus j’ai envie de le lire… mais j’ai très peur aussi…
10 août 2018 at 15 h 33 min
Oui je suis d’accord avec toi pour le titre VO, et entièrement avec ce que tu expliques :)
10 août 2018 at 19 h 24 min
Tu es la 2ème personne de mon entourage en 2 semaines à me parler de cet ouvrage comme d’un Indispensable ! Je suis heureuse d’avoir reçu les épreuves ! c’est une de mes prochaines lectures !
13 août 2018 at 20 h 29 min
Je te souhaite une bonne lecture, je suis curieuse d’en parler avec toi quand tu l’auras lu ;) surtout de la fin !
14 août 2018 at 7 h 03 min
Je n’ai pas encore osé l’ouvrir car je sais que c’est une lecture exigeante, bientôt !
15 août 2018 at 7 h 36 min
Ahh mais oui il faut, j’aimerais bien en discuter avec toi :) ce sera la lecture du CLF en septembre, peut-être l’occasion de le sortir justement ?
15 août 2018 at 11 h 45 min
Je pense que c’est ce que je ferai :-)
13 août 2018 at 15 h 39 min
Ta chronique me donne envie de me l’offrir en VO ! Reste à savoir si je trouverai le temps de le lire…
13 août 2018 at 20 h 27 min
Il est top en VF aussi :)