Danser au bord de l’abîme
Grégoire Delacourt

Il y a quelques temps, j’ai eu la surprise de recevoir dans ma boîte aux lettres ce roman de Grégoire Delacourt que j’avais repéré lors de sa sortie en grand format. La quatrième de couverture très énigmatique m’avait beaucoup interpelée, et je ne savais absolument pas à quoi m’attendre avec un ce roman. Je remercie les éditions Livre de poche pour cette lecture.

Le résumé

Emma, quarante ans, mariée, trois enfants, heureuse, croise le regard d’un homme dans une brasserie. Aussitôt, elle sait.

Mon avis

Bien court, ce résumé, vous ne trouvez pas ? Il intrigue, il rend perplexe, curieux, il questionne, et inévitablement on se retrouve avec le roman entre les mains, à se demander qui est Emma, quelle est son histoire, et surtout quel est son rapport avec Blanquette, la chèvre de Monsieur Seguin.

Dans ce roman, j’ai trouvé du bon, et du nettement moins bon. Là où j’ai vraiment accroché à l’histoire, c’est dans la douleur ressentie par l’héroïne. C’est une femme qui assume ses désirs, et qui va subir un deuil si cruel que j’en ai été touchée, alors que je ne m’y attendais pas. Je crois cependant qu’il s’agit vraiment du seul élément que j’ai réellement apprécié dans ma lecture.

Mon agacement provient en réalité de deux facteurs. Le premier, c’est l’infidélité. Ce thème est pour moi vraiment compliqué à aborder en littérature, dans la vie, dans un débat, dans une oeuvre. En réalité, c’est un sujet qui me braque totalement, et je ne saurais pas vous expliquer pourquoi. L’infidélité me met très mal à l’aise, m’indigne même, et je n’arrive pas à adhérer à des propos qui la défendent, même dans un roman fictionnel. C’est ainsi, ce n’est pas pour moi. Et cette raison est purement subjective, vous ne la partagerez peut-être pas.

La deuxième chose qui m’a prodigieusement énervée dans ce roman, c’est l’écriture de l’auteur. Il y a certes eu deux ou trois phrases que j’ai relevées, car je les ai trouvées belles, mais… elles étaient noyées dans un roman qui était beaucoup trop dans la fioriture littéraire.
J’ai eu la désagréable sensation que l’auteur s’écoutait écrire pendant tout le long du roman. Comme s’il cherchait à faire de jolies phrases pour provoquer l’admiration de ses lecteurs. Comme s’il se forçait à chercher de belles tournures, de mignonnes analogies pour qu’on dise de lui « oh, ça c’est un monsieur qui sait écrire ! ». Tous ces artéfacts manquaient cruellement de naturel à mes yeux. Ce n’est pas comme s’il s’agissait d’un paragraphe ou deux, non : tout le roman est écrit comme ça. Et je n’y ai absolument pas cru.

À mes yeux, la fin comporte deux interprétations possibles. Attention, si vous ne souhaitez pas être spoilé, merci de vous rendre directement à la conclusion de cette chronique.
Bien sûr, il y a la lecture « simple » de la rédemption d’Emma : elle a sauvé Olivier, elle va pouvoir couler des jours heureux entourée de Sophie, Mimi et ses enfants. Mais ce n’est pas ce que j’ai lu. Pour moi, dans cette fin, Emma se suicide, et je vous explique mon interprétation en deux points. Tout d’abord, les deux phrases finales qui à mes yeux évoquent clairement la mort de l’héroïne. Maintenant que ses enfants sont en sécurité auprès de leur autre parent, son rôle de mère est terminé, elle peut reprendre celui de femme, d’amante, et quitter ce monde. D’autre part, l’incessante analogie avec Blanquette. La chèvre de Mr Seguin meurt, après tout, non ? Quelqu’un d’autre a lu cette fin de la même façon que moi, ou suis-je la seule à m’être perdue dans le labyrinthe de l’interprétation ?

En conclusion

Mon avis sur ce roman est très mitigé. Si j’ai bien aimé la première partie (malgré une certaine distance et une profonde gêne), je n’ai absolument pas adhéré au reste de l’histoire. En plus de cette divergence de point de vue sur le contenu du roman, je me suis également beaucoup agacée de cette narration bien trop artificielle, qui manquait de naturel à mes yeux. La sensation que l’auteur s’écoutait, se regardait écrire ne m’a pas lâchée du début à la fin du roman. Je ne suis donc pas emballée par le récit, mais j’en retiens quelques jolies citations et malgré tout une belle et tragique histoire d’amour.

La Parisienne